Règlementation phytosanitaire au Niger

Réglementation phytosanitaire au Niger

L’intensification de l’agriculture, nécessaire pour assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations, a augmenté l’utilisation d’intrants chimiques notamment les pesticides. Compte tenu de la porosité de nos frontières, des produits tout genre entrent sur le territoire national, très souvent de façon non contrôlée. Afin d’assurer que les pesticides utilisés au Niger soient efficaces, d’une qualité appropriée et ne posent pas de risques inacceptables pour l’homme et l’environnement, l’Etat a ratifié ou signé plusieurs conventions et traités à l’échelle internationale. Il a également élaboré, récemment en mai 2015, une loi relative à la protection des végétaux.

Cadre institutionnel et législatif de gestion des pestes et des pesticides au Niger

Le Niger a ratifié ou signé plusieurs instruments juridiques internationaux relatifs à la gestion des pestes et des pesticides et à la protection de l’environnement. Parmi ces textes, certaines ont un lien direct avec la gestion des pestes et des pesticides, la protection des végétaux et la lutte contre la pollution.

Conventions internationales

Parmi les instruments juridiques internationaux relatifs à la gestion des pestes et des pesticides ratifiés par le Niger figurent : la Convention Internationale de la Protection des Végétaux (CIPV) ; la Convention Phytosanitaire Interafricaine de l’Union Africaine (CPI/UA) ; la Convention de Bamako sur les déchets dangereux ; le Protocole relatif à la coopération en matière de lutte contre la pollution en cas de situation critique ; le Code International de Conduite et pour la Distribution et l’Utilisation des Pesticides ; Le Code d’Ethique sur le commerce international de produits chimiques ; Le Code International de conduite pour la distribution et l’utilisation des pesticides FAO ; l’approche stratégique de la gestion Internationale des produits chimique (SAICM) du programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) ; Les Normes Internationales pour les Mesures Phytosanitaires (NIMP) de la FAO ; les Directives de Londres applicables sur les échanges de renseignements sur les produits chimiques qui font l’objet de commerce international UNEP/GC/17 ; le Règlement Sanitaire International. Il y a aussi :

La Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants (POPs) qui vise, entre autres, à protéger la santé humaine et l’environnement des polluants organiques persistants que sont l’aldrine, la dieldrine, le chlordane, l’endrine, l’heptachlore, l’hexachlorobenzène, le mirex, le toxaphène, le DDT et les PCB. Cette convention a été ratifiée en 2006 par l’Etat du Niger.

La Convention de Rotterdam sur le Principe d’Information et de Consentement Préalable ou convention PIC, ratifiée en 2006, qui offre la possibilité pour un pays de décider quels sont les produits chimiques ou pesticides dangereux qu’ils veulent bien recevoir et de refuser ceux qu’ils ne sont pas en mesure de gérer en toute sécurité.

La convention de Bâle, ratifiée 1998, sur le contrôle des mouvements transfrontalier des déchets dangereux et de leur élimination.

Règlementions sous-régionales

A l’échelle sous-régionale, il y a 3 principaux cadres législatifs sur la gestion des pestes et des pesticides qui concernent le Niger. Il s’agit de :

La Résolution n°8/34/CM/99, qui est la Réglementation commune aux Etats membres du Comité permanent Inter-Etats de Lutte Contre la Sécheresse au Sahel (CILSS) sur l’homologation des pesticides signée en 1999 par 9 Etats membres, lors de la 34ème session du Conseil des Ministres du CILSS.

Le Règlement C/REG.3/08/2008 portant harmonisation des règles régissant l’homologation des pesticides dans l’espace Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Oust (CEDEAO). Ce règlement a été adopté lors de la soixantième session ordinaire du Conseil des Ministres de la CEDEAO à Abuja les 17 et 18 mai 2008 (et auquel les pays de l’OMVS ont adhéré). Ce cadre législatif dresse les règles gouvernant l’agrément des pesticides dans l’espace CEDEAO.

Le Règlement n°04/2009/CM/UEMOA relatif a l’harmonisation des règles régissant l’homologation, la commercialisation et le contrôle des pesticides au sein de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). Ce règlement a été adopté le 06 mars 2009 à Ouagadougou, lors du Conseil des Ministres de l’UEMOA, sur proposition de la Commission et après l’avis des experts du comité statutaire. Ce règlement est très similaire à celui adopté par la CEDEAO.

Cadre législatif au Niger

La Constitution du 25 novembre 2010 est la référence majeure en matière de droits et devoirs de la personnalité humaine et de l’élaboration des politiques de développement économique, social et culturel.

Il est précisé dans son article 12 que : « Chacun a droit à la vie, à la santé, à l’intégrité physique et morale, à une alimentation saine et suffisante, à l’eau potable, à l’éducation et à l’instruction dans les conditions définies par la loi. L’Etat assure à chacun la satisfaction des besoins et services essentiels ainsi qu’un plein épanouissement. Chacun a droit à la liberté et à la sécurité dans les conditions définies par la loi. »

Dans son article 146 il est dit que « l’action de l’État en matière de politiques de développement économique et social est soutenue par une vision stratégique. L’État fait de la création des richesses, de la croissance et de la lutte contre les inégalités un axe majeur de ses interventions. Les politiques publiques doivent promouvoir la souveraineté alimentaire, le développement durable, l’accès de tous aux services sociaux ainsi que l’amélioration de la qualité de vie« .

Cadre règlementaire au Niger

Pour mettre en œuvre les dispositions constitutionnelles en matière de gestion des pesticides et des déprédateurs, l’Etat du Niger a adopté un certain nombre de textes législatifs et règlementaires (Lois, Décrets et Arrêtés d’application) portant sur la protection des végétaux et de l’environnement ainsi que la protection de la santé humaine. Il s’agit de :

  • la loi n°2015-35 du 26 mai 2015 relative à la protection des végétaux ;
  • le  décret n° 2016-303/PRN/MAG/EL du 29 juin 2016 portant modalités d’application de la loi 2015-35 relative à la protection des végétaux.

La loi 2015-35 a pour objet :

  • la protection des végétaux et des produits végétaux par la prévention et la lutte contre les organismes nuisibles dans le respect de l’environnement ;
  • la promotion de la protection intégrée des cultures contre les déprédateurs (ennemis des cultures) pour un développement durable des productions nationales ;
  • la mise en œuvre d’une politique nationale de gestion des pesticides notamment, le contrôles de l’importation, de la fabrication, de l’homologation, du suivi post homologation, de l’utilisation, du stockage et de l’élimination des produits dans le souci de la préservation de la santé humaine, animale et environnementale ;
  • la promotion de la qualité sanitaire des végétaux et produits végétaux à l’exportation.

Il est créé à travers cette loi et conformément aux textes sous régionaux, ci-dessus, un Comité National de Gestion des Pesticides (CNGP).

Cette loi n’enfreint pas ce qui est dit dans les règlementations communes que le Niger a souscrit. Elle stipule que l’homologation des pesticides s’effectue conformément aux règlementations communes aux Etats membres du CILSS et très bientôt celles de la CEDEAO, sur l’homologation des pesticides. Les organes régionaux chargés de l’homologation à l’échelle communautaire sont le CSP (Comité Sahélien des Pesticides) pour la zone CILSS et le COHAP (Comité Ouest Africain d’Homologation des Pesticides) pour la CEDEAO.

Pour le moment c’est le CSP qui est fonctionnel, en attendant l’opérationnalisation du COHAP. En effet, Le CSP examine les demandes d’homologation, tient les registres d’homologation, établit la liste positive des matières actives et des formulations autorisées et la liste des établissements publics autorisés à effectuer des essais. Par ailleurs, il définit les méthodes de contrôle de la composition, de la qualité et de l’évaluation des produits examinés, évalue les risques de toxicité des produits pour l’homme, les animaux et l’environnement.

Le décret d’application de la loi 2015-35 relative à la protection des végétaux a prévu une liste d’au moins 18 arrêtés.

Institutions chargées de la protection des cultures au Niger

Au Niger, c’est le Ministère en charge de l’Agriculture qui est chargé d’élaborer et mettre en œuvre les politiques du gouvernement dans les domaines de l’Agriculture et du Développement rural.

Afin d’assurer que les pesticides utilisés au Niger soient de bonne qualité et ne présentant pas des risques potentiels pour l’homme et pour l’environnement, le ministère en charge de l’Agriculture à travers la Direction Générale de la Protections des Végétaux (DGPV) et en collaboration avec d’autres services compétents dans les autres ministères, est chargée de :

  • la protection phytosanitaire du territoire ;
  • la gestion des pesticides ;
  • contrôle à l’importation, à l’exportation, à la réexportation et au transit des végétaux et produits végétaux sur le territoire nigérien.

Direction Générale de la Protection des Végétaux

Il existe au Niger, un établissement public créé depuis 1967 sous le nom de Service de la Protection des Végétaux, qui est chargé de faire face aux défis phytosanitaires. Ce service a changé de nom en 1985 et s’appelait Direction de la Protection des Végétaux. Aujourd’hui, l’autorité compétente en matière de protection des cultures est la Direction Générale de la Protection des Végétaux (DGPV) créée par Décret n°2010-664/PCSRD/MAG/EL du 17 septembre 2010, portant organisation des Directions Générales et des Directions Nationales du Ministère de l’Agriculture et de l’Elevage.

Objectif de la DGPV

L’objectif de la DGPV est de « promouvoir une stratégie de défense écologiquement durable veillant à l’application de la législation phytosanitaire nationale et internationale ainsi que d’autres textes règlementaires pour garantir un meilleur contrôle phytosanitaire des végétaux et des produits végétaux ».

Organisation de la DGPV

La DGPV comporte en son sein 4 directions nationales :

  • la Direction des Interventions Phytosanitaires et de la Formation ;
  • la Direction de la Réglementation Phytosanitaire et du Suivi Environnemental ;
  • la Direction des Etudes Biologiques ;
  • la Direction de la Logistique et des Equipements Phytosanitaires.

A l’intérieur du pays, les activités de la DGPV sont assurées par 8 Services Régionaux de la Protection des Végétaux (SRVP), 24 Antennes de Protection des Végétaux (APVs) reparties dans les départements, environ 34 Postes de Contrôles Phytosanitaires (PCPs) le long des frontières.

Mission de la DGPV

La mission principale de la DGPV est la conception et la mise en œuvre de la politique nationale en matière de la protection des végétaux.

A cet effet, elle est chargée notamment de :

  • assurer la protection phytosanitaire sur l’ensemble du territoire ;
  • participer à l’élaboration, en relation avec les direction et les institutions spécialisées concernées, des lois et textes règlementaires en matière de lutte phytosanitaire ;
  • assurer la programmation et le suivi régulier des campagnes phytosanitaires en rapport avec les directions concernées ;
  • élaborer en relation avec les structures nationales, régionales et internationales concernées, les stratégies de promotion de la lutte alternative ;

La DGPV possède en son sein un organe qui assure la gestion des pesticides sur toute l’étendue du territoire.

Organes et instruments de gestion des pesticides au Niger

Conformément aux exigences des règlementations communes, notamment le Règlement C/REG.3/08/2008 de la  CEDEAO, le Règlement n°04/2009/CM/UEMOA  de l’UEMOA et la Résolution n°8/34/CM/99 du CILSS, il y existe au Niger, un Comité National de Gestion des Pesticides (CNGP), qui est l’organe chargé de réglementer l’utilisation des pesticides.

Attribution du Comité National de Gestion des Pesticides (CNGP)

Le CNGP assiste le ministre en charge de l’Agriculture dans l’application des principes et de l’orientation générale de la réglementation des pesticides. A ce titre, il est chargé de :

  • veiller au suivi de la liste des pesticides d’emploi autorisé, limité ou interdit ;
  • proposer les mesures susceptibles de contribuer à la normalisation, à la définition et à l’établissement des conditions et des modalités d’emploi des pesticides ;
  • veiller au contrôle permanent de la qualité des pesticides distribuer au Niger ;
  • donner son avis sur toutes les questions relatives aux pesticides qui lui sont soumises ;
  • veiller à la mise en œuvre des obligations nationales prévues dans le Règlement C/REG.3/08/2008 de la CEDEAO ;
  • assurer le suivi poste homologation des pesticides.

Le CNGP est l’instance chargée du contrôle et de la protection des végétaux et produits végétaux, de la gestion des déprédateurs et des pesticides ainsi que l’homologation des pesticides sur territoire nigérien. Il détient le registre des homologations et des autorisations des pesticides qui sont autorisés pour la protection des cultures au Niger.

Perspectives sur la gestion des pesticides au Niger

Certes plusieurs textes législatifs et règlementaires ont été élaborés concernant la gestion, l’utilisation, l’agrément et le contrôle des produits phytosanitaires au Niger, mais malheureusement ces documents sont très peu diffusés et mal connus du public. Ce phénomène se traduit par la circulation de certains produits contenant les matières actives incriminées. Diverses actions sont en train d’être menées en vue de contrôler l’importation et l’utilisation de pesticides contenant des matières actives dangereuses. Ce cadre règlementaire bien qu’étoffé, souffre d’un manque de cadrage notamment la définition des conditions de gestion au niveau de toute la filière (stockage primaire, transport, stockage secondaire, utilisation, élimination des contenants).

Il faut noter que le cadre législatif et institutionnelle nigérien en matière de gestion des pestes et des pesticides est jusque-là à un stade embryonnaire. Ainsi, le Niger s’appuie sur la réglementation du CILSS portant Réglementation commune aux Etats membres du CILSS sur l’homologation des pesticides. Le CSP basé à Bamako au Mali constitue la cheville ouvrière de la Réglementation commune. Il remplace dans la pratique les homologations nationales. C’est un instrument très important dans la gestion nationale et concertée des pesticides. Les pesticides officiellement autorisés dans le pays sont ceux qui ont obtenu l’Autorisation Provisoire de Vente ou l’homologation du CSP.

Le Niger est l’un des rare pays à ne pas disposer d’unité de conditionnement ou de reconditionnement des pesticides dans l’espace CEDEAO. La porosité de la frontière fait que des pesticides de toute nature entre sur le territoire sans contrôle. Il important que l’Etat s’implique activement dans la mise en œuvre de l’application des textes dans ce secteur pour protéger les populations et l’environnement des dangers de l’utilisation des pesticides.

Quelques références citées

CEDEAO, 2008. Règlement C/Reg. 03/05/2008 du 18 mai 2008 portant harmonisation des règles régissant l’homologation des pesticides dans l’espace CEDEAO. Journal officiel de mai 2008 de la CEDEAO, 53, 3-13.

CILSS, 1999. Résolution n°8/34/CM/99 du 16 décembre 1999 portant Réglementation commune aux Etats membres du CILSS sur l’homologation des pesticides Version révisée Décembre 1999.

Diarra, A., 2015. Revue des politiques sur les pesticides et les produits vétérinaires dans l’espace CEDEAO. USAID/WA, N° West Africa-JSR-2015-2.

Ministère  de l’Agriculture, 2015. Loi n°2015-35 du 26 mai 2015 relative à la protection des végétaux.

Ministère de l’Agriculture, 2016. Décret n° 2016-303/PRN/MAG/EL du 29 juin 2016 portant modalités d’application de la loi 2015-35 relative à la protection des végétaux.

PPAAO, 2013. Cadre de gestion de l’environnement et sociale (CGES). Rapport provisoire, PPAAO-Niger.

UEMOA, 2009. Règlement n°04/2009/CM/UEMOA du 6 mars 2009 relatif a l’harmonisation des règles régissant l’homologation, la commercialisation et le contrôle des pesticides au sein de l’UEMOA.

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